Meilleurs alliés

Publié le 5 Septembre 2021

Septembre... La saison théâtrale reprend, en espérant que cette fois, elle pourra aller à son terme sans nouvelle fermeture!

Mais les festivals ne sont pas encore tout à fait finis, et c'est donc dans la grange du Karreveld, dans le cadre du festival "Bruxellons!", que j'ai pu assister à une représentation des "Meilleurs alliés". Il reste quelques dates, pour cette pièce qui a déjà tourné en Belgique (mais que je n'avais pas encore pu voir) et qui a eu un joli succès sur les scènes françaises également!

La pièce évoque des personnages historiques bien réels et des moments de notre histoire assez récente... Qui sont les deux hommes face à face sur scène, ces meilleurs alliés... qui ont beaucoup de mal à se supporter?
Du côté de la "perfide Albion", Winston Churchill, Premier Ministre britannique, dans toute sa splendeur, sa rondeur, ses colères, cigare au bec et verre de whisky en main. En face, celui qu'il qualifie de prima donna, le chef de la France libre, Charles De Gaulle, dans toute sa raideur et son arrogance, refusant de jouer un rôle mineur dans la libération de la France!

Les deux hommes se font d'abord face dans le wagon de commandement de Churchill, à la veille du débarquement en Normandie. De Gaulle refuse d'être la cinquième roue du carrosse, de parler après les autres et d'être la marionnette d'Eisenhower. Churchill s'emporte et se moque du Français, campe sur ses positions et veut le renvoyer en Algérie.
Deuxième acte, la confrontation n'est plus directe mais passe par la diplomatie et les ambassadeurs, car il faudra bien trouver un  compromis qui arrange tout le monde et l'opinion publique...

Le texte, signé Hervé Bentégeat, est brillant, les mots bien choisis, et l'analyse est plutôt fine, notamment quant à l'avenir de l'Europe. Evidemment, c'est plus facile de voir juste vu que la pièce a été écrite en 2017, mais les rapports de force sont bien décrits, et on comprend bien les implications de ce qui se joue en 1944 entre la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis et la Russie, qui bien que non représentés dans la pièce, y sont évoqués souvent. Un peu de (géo)politique dans le texte donc, quelques constats cyniques ou désabusés sur la société, mais aussi beaucoup de bons mots et de répliques qui claquent! Churchill n'est pas tendre avec de Gaulle dont il se moque souvent. D'ailleurs, je suis presque étonnée que le spectacle ait si bien marché en France ;) En tout cas, j'ai bien ri de la manière dont de Gaulle prononce tous les mots ou noms de famille anglais à la française (ah, le livain-je room ou le chevain gumme, sans oublier ce cher Esenoverre!). Non, non tous les Français n'ont pas un accent anglais aussi pourri (pas tous. Mais j'en connais, quand même! :D )
Rassurez-vous, l'image de l'Angleterre est aussi écornée et Churchill a droit à sa dose de ridicule également!

Du côté des comédiens, les performances sont surprenantes. En particulier celle de Pascal Racan, qui incarne de Gaulle avec beaucoup de justesse, dans l'attitude, dans les intonations et le phrasé si particulier. J'aime beaucoup ce comédien que j'ai vu souvent sur scène, et qui a d'habitude une voix et une manière de parler reconnaissables les yeux fermés... Et là, rien à voir, j'avais du mal à retrouver sa voix, tant il est convaincant dans le rôle du général, tout en prestance (un peu désabusée) et sobriété. Face à lui, Michel de Warzée offre un contraste parfait de bonhommie et de violence, tout en émotions qui explosent. Seul bémol, afin de représenter au mieux Churchill, son articulation est souvent pâteuse et il n'est pas toujours facile de bien saisir ce qu'il dit (ce qui amène à entendre ses voisins parfois se répéter les phrases que l'un n'a pas compris...). Bernard d'Oultremont et Simon Willame complètent la distribution avec la réserve et le calme des diplomates qu'ils incarnent, les voix de la raison et du compromis afin de permettre aux meilleurs alliés de s'entendre...

En résumé, un spectacle intéressant qui oppose deux personnalités et éclaire une partie de l'histoire européenne de la 2ème moitié du XXème siècle, avec énormément d'humour et beaucoup de rires amenés par le sens de la répartie des protagonistes, interprété sans fausse note. Il reste quelques représentations jusqu'au 17 septembre, infos sur le site de Bruxellons.

 
 

Rédigé par Emelle

Publié dans #Bruxelles, #Théâtre

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