L'Opéra du gueux

Un auteur maudit, sans argent, nous présente son Opéra, un opéra du pauvre, parlant de vauriens et de bandits... Dans les bas fonds (de Londres, mais cela pourrait se passer ailleurs), Macheath, sorte de chef de gang à la tête d'une troupe de voleurs, joueur, séducteur, travaille avec le puissant Mr. Peachum, receleur et intermédiaire indispensable pour écouler la marchandise. Mais Macheath a séduit et épousé en cachette Polly, la fille de Mr Peachum. Ce dernier ne l'accepte pas et usera de toutes ses relations pour le faire emprisonner et pendre!

En lisant le résumé de ce spectacle, j'ai tout de suite pensé: "mais c'est l'intrigue de l'Opéra de Quat'sous!"... Bêtement, j'ai d'abord cru que ça en était inspiré... Puis Wikipédia a dissipé mon erreur... En fait, c'est l'inverse! Honte à moi, j'ignorais que Brecht s'était largement inspiré de l'Opéra du gueux (The Beggar's Opera en VO) de John Gay, écrit en 1728. Au moins pour l'histoire, car l'opéra du gueux est plus cynique, plus mysogine, sans concession, une sorte de constat presque amusé des bassesses de l'homme qui sont les mêmes dans toutes les couches de la société, sans savoir qui imite qui, entre les riches et les pauvres. On n'est pas dans un spectacle engagé sur la lutte des classes comme chez Brecht.

Enfin peu importe... La version présentée par la Compagnie des Passeurs à la cour du Barouf est absolument enthousiasmante! Les morceaux de musique et les chansons sont variés, souvent rythmés, entrainants, mêlant plusieurs genres, plusieurs influences (c'est moins "martial", moins typé dans un seul style que du Kurt Weill, bref plus léger). La mise en scène de Pascal Durozier est intelligente et profite bien de quelques éléments pour créer de nombreux décors, il y a des costumes, des chorégraphies, des hommes travestis en prostituées (ils ont beau être 10 la plupart doivent assumer plusieurs rôles); les 'tableaux' sont beaux à l'oeil aussi, la scène est toujours bien occupée; les comédiens jouent et chantent juste, ils sont tous très bons! Coup de coeur particulier pour Mr et Mme Peachum (Renaud Gillier et Laure Caillet), et pour Luca Bozzi, avec son éclatant sourire de chérubin et son accent italien, il illumine la scène et apporte humour et fantaisie! (mais encore une fois, les autres sont très bien aussi! - oui c'est le problème quand on cite quelques comédiens en coup de coeur on dirait que les autres sont moins bons, alors que ce n'est pas le cas)

Bref... Si l'Opéra de Quat'sous, dont j'ai vu à 17 ans une version superbe par la troupe de Guy Pion, le théâtre de l'Eveil, reste l'un des spectacles qui m'a marquée à vie... Cet Opéra du Gueux par la compagnie des Passeurs mérite bien un coup de coeur !

Infos pratiques : tous les soirs à 20h à la Cour du Barouf; durée 1h30; tarif 17 euros, 12 avec la carte Off.