La nuit des Camisards

Publié le 19 Juillet 2013

La nuit des Camisards

4 ans. Cela faisait 4 ans que je rêvais de voir ce spectacle. Que j'aurais dû aller voir ce spectacle avec une bande de joyeux forumeurs, si j'avais pu me libérer du boulot, 4 ans que leurs commentaires m'avaient donné envie (et un peu frustrée).

Cette année, enfin, "La nuit des Camisards" est rejouée à Alès. Et j'ai pu trouver une date, avant de quitter Avignon, pour aller voir ce spectacle magique.

En fait, je n'ai pas eu l'impression d'assister à une pièce de théâtre hier soir. J'ai plutôt fait un bond dans le passé, en 1702, et j'ai vécu une page de l'histoire parmi les futurs Camisards (une page peu connue même en France, ignorée de la belge que je suis). Dans les Cévennes et ailleurs, depuis la révocation de l'Edit de Nantes, les protestants sont menacés et forcés à se convertir au catholicisme, sous peine de confiscation de leurs biens et d'envoi aux galères. Mais ils continuent à se réunir et pratiquer leur foi, y compris les nouveaux convertis. La révolte gronde, mais dans les assemblées secrètes et clandestines, les prophètes et autres inspirés ne lancent pas encore un appel à prendre les armes. L'assassinat de l'archiprêtre des Cévennes, l'abbé du Chayla, par des protestants cévenols, embrasera la région et déclenchera la guerre des Camisards.

C'est autour de cet épisode que se centre "La nuit des Camisards", démarrant la veille de l'assassinat. Après une montée dans un site naturel proche d'Alès, lors de laquelle des comédiens nous situent le contexte, nous spectateurs arrivons (à la tombée de la nuit) dans une clairière. La scène est surélevée, en forme de grande croix, et nous prenons place sur des rondins de bois (n'oubliez pas les coussins sinon ça peut être pénible!). Pendant 1h30, nous allons vivre les événements qui ont mené à la guerre des Cévennes. A travers l'histoire de personnages, ce qui rend les choses plus concrètes, plus touchantes aussi. Nous suivrons, du côté 'catholique', la folie fanatique de l'abbé du Chayla, qu'un père jésuite tente de calmer (les discours de plus en plus enflammés de l'archiprêtre font froid dans le dos, quand il s'accuse d'avoir permis à la religion dite réformée de survivre parce qu'il n'a pas été assez dur et n'a pas tué assez de gens ni réprimé assez fort). Du côté 'protestant', il y a aussi des exaltés, comme Samuel Bonnal, prônant la violence, des prophètes, qui ne parlent que quand l'Esprit les inspire, des soldats qui sont prêts au combat quand leur dieu le leur ordonnera. Et au milieu de tout ça, une mère, nouvelle convertie, qui veut surtout que ses fils vivent, et un ancien pasteur, revenu des galères pour libérer sa fille, prophétesse sauvage prisonnière de du Chayla.

Les personnages sont vraiment riches, et les comédiens qui les interprêtent, très talentueux. Déjà le travail sur la voix est remarquable, on est en plein air quand même, et ils se font entendre tout en gardant beaucoup de nuances (tout le travail de mise en scène sur l'ambiance sonore est superbe d'ailleurs, et contribue à nous plonger au coeur de l'action). Les lumières aussi, la fumée, les rougeoiments dans les fourrés, nous placent avec les futurs Camisards... Et lorsque des comédiens disséminés autour de la scène (juste à côté des spectateurs) psalmodient et répètent les mots du prédicateur, on a vraiment l'impression d'y être, de faire partie de l'assemblée clandestine.

Revenons aux personnages, pour n'en citer que quelques-uns, le personnage de la mère cévenole, Elise Bonnal, est magnifique, humain, ambigu... un personnage central pour moi dans la pièce, un rôle magnifique et une sublime interprétation de Josée Drevon.

L'ancien pasteur, Joseph Bastide, est aussi très touchant, plein de doutes et de désillusions, très belle performance de Jean-Marie Frin. Tout comme le médecin (Gilbert Rouvière, qui signe également cette belle mise en scène), qui lui s'est converti pour continuer à exercer, mais n'a pas réellement renié ses croyances, même s'il doit s'en cacher face à l'abbé du Chayla (la performance de Frédéric Borie dans ce rôle difficile est bluffante aussi!). L'humanité du père Gabriel, le Jésuite (très bien interprété par Philippe Noël), est aussi intéressante, et montre qu'il y avait des modérés dans chaque camp, des gens qui ne voulaient rien imposer de force. Bref, je crois que je pourrais citer toute la distribution et tous les personnages, tant ils sont marquants, présents, vivants!

Ca parait bizarre de dire ça mais parfois au théâtre, surtout pour une pièce historique, on a l'impression d'une distance par rapport aux personnage, un peu trop 'désincarnés', 'de papier'. Avec la nuit des Camisards c'est tout le contraire! On n'est pas face à un cours d'histoire retraçant des éléments généraux et lointains, on vibre avec des personnes de chair et de sang, on rit aussi, souvent, parce que le texte est magnifiquement écrit par Lionnel Astier, sans blabla littéraire pas crédible et soûlant, mais avec des expressions quotidiennes, de l'humour. C'est fluide, agréable à suivre, clair, il ne nous prend pas pour des idiots en nous expliquant les choses qu'on peut comprendre à travers les paroles des personnages. Et il ne juge pas non plus, enfin je veux dire, pas de morale à deux balles à la fin, juste des faits, des événements, des êtres humains... Décidément, dans la famille Astier, ils ont un vrai don pour l'écriture!

Bref, je crois que j'ai été tellement emportée par cette expérience, que je pourrais vous en parler encore longtemps, mais j'ai l'impression d'avoir déjà été très longue (oui je suis bavarde!). Si vous êtes ou passez dans les environs d'Alès, allez voir "La nuit des camisards". Vous avez jusqu'au 15 août, c'est à 21h30 (à peu près) à Alès, près de l'entrée de la mine témoin. 20 euros la place.Tous les détails via ce lien.

Et pour finir, même si ça n'a rien à faire dans une critique, merci Sandrine, sans les Forempoms à l'époque je n'aurais peut-être jamais entendu parler de ce spectacle, et sans toi hier j'aurais bien galéré pour aller le voir!

Rédigé par Emelle

Publié dans #Théâtre, #Plein air, #Coup de coeur, #France

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